-
Octobre 1959. Voilà maintenant quatre ans que Frank Ténot et Daniel Filipacchi présententPour ceux qui aiment le jazz. Leur ton radiophonique original, mélange d’érudition et de décontraction, ravit les auditeurs. Un jour, Lucien Morisse reçoit Daniel Filipacchi. Il lui propose de remplacer une certaine Suzy, une jeune américaine qui s’occupe, le jeudi après-midi, d’une émission consacrée à cette nouvelle musique venue des Etats-Unis, le rock’n’roll. Suzy anime avec son chat, le prenant à témoin pour le faire participer. Mais un chat ne se voit pas à la radio, et ses miaulements - quand il accepte de miauler - n’ont guère d’effet sur les auditeurs. Bref, la formule ne donne pas entière satisfaction au directeur des programmes. Lucien Morisse s’est dit qu’un véritable animateur serait plus approprié pour faire vivre à l’antenne la frénésie du rock. L’émission s’appelle Salut les copains. Elle emprunte son titre à une chanson de Gilbert Bécaud écrite par Pierre Delanoë. Daniel Filipacchi s’avoue tenté. Après tout, la frontière est mince entre le jazz, le rhythm and blues et le rock’n’roll, nourri de cette musique noire qu’il aime tant. Il accepte la proposition, tout en sachant qu’il lui faudra réussir à convaincre son complice. Mission délicate : Frank Ténot est un pur amateur de jazz, peu sensible aux sirènes du rock’n’roll. Il craint que Daniel ne fasse fuir les auditeurs habituels de Pour ceux qui aiment le jazz, en passant à leurs yeux pour un traître à la « cause ».
Mais Daniel Filipacchi sait se montrer convaincant : Frank restera en retrait, et la radio annoncera le nouveau programme comme « une émission de Daniel Filipacchi ». Le 19 octobre, Daniel présente Salut les copains pour la première fois. Désormais, sa vie ne sera plus jamais la même…
Salut les copains arrive au bon moment et accompagne la montée en puissance de l’adolescence. Les collégiens et les lycéens disposent enfin d’une émission diffusant une autre musique que celle de leurs parents. Entouré de son équipe - Josette Bortot- Sainte-Marie, Michel Poulain, Michel Brillié, surnommé Bernard, et Claude Cheisson à la technique. Daniel Filipacchi programme des musiques venues d’ailleurs que l’on n’entend nulle part à la radio : du rhythm and blues, de la soul, du rock’n’roll. À partir de 1962, l’éclosion de la vague « yé-yé » - une appellation que l’on doit au sociologue Edgar Morin - fera de Salut les copains la référence de toute une génération. Sa popularité doit aussi beaucoup au style si personnel de son animateur. Daniel « Oncle Dan »
Filipacchi se singularise par un ton inédit. Il tutoie ses auditeurs, séduit par sa simplicité et installe une ambiance décontractée, loin du sérieux un brin compassé des présentateurs de l’époque.
Il rapporte de ses fréquents voyages aux Etats-Unis les dernières techniques radiophoniques. L’émission ne cesse d’innover, créant les premiers jingles publicitaires. Madeleine Constant et Annick Beauchamps lisent avec le sourire les publicités à l’antenne tandis qu’André Arnaud, journaliste vedette d’Europe n° 1, présente tous les jours un bulletin d’information. Salut les copains connaît tout de suite le succès, et les lettres enthousiastes s’entassent dans le petit bureau d’Europe n° 1.